Mourava, petit village perdu au fin fond de la Sibérie sur les bords du Iénissei — soixante-treize habitants mais seize en hiver, dont quatre invalides —, voit un beau jour débarquer du bateau Colin Cherbeaux pianiste français en déshérence. Tandis que Colin arrive, Wladimir Golovkine lui rêve de partir pour rejoindre la grande ville, Krasnoïarsk, à 1823 km au sud, soit quatre jours de navigation. Et même pourquoi pas retrouver sa sœur qui vit à Moscou.
Mais Wladimir se fait promptement refouler du débarcadère par un marin de l’Alexander Matrosov qui s’est arrêté pour l’avant-dernière fois à Mourava avant l’hiver. C’est chez lui que Colin va frapper au hasard à la porte et y élire domicile. Colin n’est pas tout à fait seul, puisque sur le bateau il a acheté un vieux piano droit qu’il faut maintenant mettre à l’abri dans la cabane de Wladimir.
Colin passe ses journées à jouer du piano, mais à chaque fois qu’il se met au Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov, après quelques mesures sa main droite se bloque et se fige au beau milieu dans d’horribles crampes. Et voilà le drame, son drame, la raison de ce débarquement à Mourava, loin de tout, loin du Paris où il vit.
Dans ce village où tout est sale, même si Wladimir, le seul habitant de ce village qui ne semble pas se nourrir à la vodka et subissant les moqueries des autres villageois, s’est institué éboueur et passe une partie de ses journées à ramasser les ordures. Un village au milieu de la nature, crasseux, regorgeant de vodka et autres boissons alcoolisées, dont certaines distillées sur place, notamment par Sergueï, ancien soldat et alcoolique notoire.
Un beau texte
À la lecture, tout de suite on remarque une bizarrerie, les chapitres de ce roman sont numérotés à l’envers, de 7 à 1. Pas de flash back pourtant, mais une remontée dans des souvenirs profondément enfoui pour tenter de renaître. Tout de suite on est embarquée par un style léger et alerte, sans pour autant tomber dans la facilité. Une belle écriture qui emmène le lecteur, ailleurs, dans un autre monde proche de l’irrationnel. Et tout comme « Les artistes en Russie ont des rêves sublimes, ses ivrognes, des rêves minables. Qu’importe, ils rêvent tous. », le lecteur aussi rêve via une écriture qui dégage beaucoup de charme, de poésie et d’humour imprégné de tristesse et parfois de résignation.
J’ai apprécié ce temps de lecture avec ces personnages étranges mais familiers, et pour le moins très attachant. Pour cette amitié qui se crée entre Wladimir et Colin, une amitié tout en retenue et respect de l’autre, emprunte d’une immense timidité, des relations quasi fraternelles. L’aventure est rocambolesque avec, outre Colin et Wladimir, Sergueï le cousin de Wladimir, un épicier plutôt sympathique, tentant de réfréner les toutes nouvelles envies consuméristes de Wladimir, une vieille sorcière, rebouteuse et Oleg un ex-cosmonaute reconverti en ermite.
Ce serait lors d’un voyage d’écrivains sur le Ienisseï, alors qu’il était en panne d’écriture, que l’auteur aurait trouvé son inspiration. Accroche peut-être commerciale, mais je serai bien tenté de le croire.
Voilà un roman que je vous conseille sans hésiter, c’est la première fois que je lisais une œuvre d’Olivier Bleys et j’avoue avoir été charmé, une bien belle découverte.
Vidéo
Musique Maestro
Pour finir en musique, voici le fameux concerto n°2 de Rachmaninov, interprété par Sviatoslav Richter
Notice biographique Internet (2013)
Écrivain confirmé âgé de trente-neuf ans, Olivier Bleys a publié vingt livres : romans, essais, récits de voyage, bandes dessinées, roman graphique, récit d’anticipation, surtout chez Gallimard qui l’a nommé en 2004 lecteur permanent et chez Albin Michel. L’ensemble de son œuvre est traduit dans une dizaine de langues, et lui a valu de nombreuses récompenses dont un prix de l’Académie française pour Pastel (Gallimard, 2000). Au cours de sa carrière, Olivier Bleys a effectué plusieurs séjours en résidence d’écrivain et pris part à de nombreuses manifestations, tant en France qu’à l’étranger : par exemple, il a été choisi pour représenter la France aux IIIe Jeux de la Francophonie à Madagascar.
Olivier Bleys possède aussi une expérience approfondie des nouvelles technologies. Il a d’abord occupé au sein de sociétés d’édition numérique (Infogrames, Cryo, Index +…) des postes à responsabilité croissante, de chef de projet à directeur éditorial, avant de devenir concepteur multimédia indépendant. Il est enfin conférencier et formateur, spécialement dans les bibliothèques.
En dernier lieu, Olivier Bleys revendique un goût affirmé pour l’échange culturel. Dès l’âge de 22 ans, il fonde l’association Jeunes Artistes du Monde qui promeut le voyage artistique. Des séjours à l’étranger sont organisés (Égypte, Ouganda, Mali, Madagascar…), impliquant des créateurs de plusieurs disciplines et nationalités. Suivront des expositions, des débats et des publications : par exemple, celle d’un recueil de Contes et légendes Tandroy chez l’Harmattan.
En juillet 2010, Olivier Bleys a pris le départ d’un tour du monde à pied, par étapes, qu’il poursuit d’année en année. Il effectue à l’occasion des tours de villes à pied, ceux par exemple de Paris en juin 2012 et de Metz en décembre 2012.
Site internet d’Olivier Bleys
je passe mon tour sur celui-ci malgré l’inéressant billet 🙂
Mince alors j’ai raté, ta PAL ne va pas augmenter 😉
De toutes les façons il y a tant de belles choses à lire qu’il nous faudrait bien plus de neuf vies !